Le blogue de la Semaine de sensibilisation aux maladies mentales : des histoires du rétablissement, des expériences personnelles et des nouvelles concernant la santé mentale/ maladie mentale.

Thursday, November 7, 2013

Face-à-face avec Marli Brown



Mes symptômes ont commencé très jeune; ils sont d’abord apparus sous forme d’anxiété. Lorsque j’étais toute petite, si quelqu’un que ne je connaissais pas venait à la maison, je me cachais sous la chaise de ma mère et je tombais endormie. J’ai perdu mes cheveux en commençant la maternelle, et lorsque j’étais en première année, j’ai eu des crises de panique qui ont entraîné l’hyperventilation, ce qui a causé des épisodes épileptiques et ce qui a eu comme conséquence beaucoup de trajets en ambulance. La première fois que je me rappelle avoir eu une pensée suicidaire était à l’âge de huit ans ‒ je croyais que le cerveau de tout le monde fonctionnait comme le mien; je m’inquiétais de ce qui se produirait si l’autobus scolaire se renversait et je me demandais comment je pourrais sortir? Je m’inquiétais au sujet de mon père lorsqu’il lavait les fenêtres doubles; je visualisais qu’il tombait et je me demandais ce que je pourrais faire pour l’aider. Je m’inquiétais de tout constamment, et je regardais les étoiles en espérant que quelqu’un ou quelque chose soulagerait ma douleur.

Lorsque j’étais au secondaire, j’ai eu recours à l’automutilation pour essayer de gérer mes émotions. Je consommais de l’alcool de façon excessive, je me frappais la tête contre les murs, je me coupais – tout cela en continuant de figurer au tableau d’honneur, en participant aux activités parascolaires et en planifiant mon éducation postsecondaire. J’ai travaillé très fort pour cacher le niveau de douleur psychologique qui était devenu « normal »pour moi, et j’étais à la poursuite de ma valeur dans la réalisation personnelle.

Au début de l’université, il s’est produit une série d’événements – j’étais une jeune femme qui allait vivre dans la grande ville après avoir reçu son diplôme du secondaire cinq, le début de l’université a été vite suivi d’une grève du personnel, il y a eu l’annonce que quelqu’un de la famille était atteint d’un cancer, et puis une perte massive dans un accident d’automobile. Au cours d’une très courte période, je suis restée confinée chez moi; j’étais convaincue que les autres pouvaient voir à quel point j’étais une personne horrible et je me suis mise à rêver, planifier et vivre chaque instant pour figurer une façon de mourir. Peu après, j’ai vécu mon premier épisode psychotique; une créature monstrueuse ressemblant à une fourmi se tenait derrière le fauteuil et me disait que j’allais mourir, car j’étais tellement horrible, tellement moins que rien et que mes proches allaient mourir avec moi. La seule manière de les sauver était de m’enlever la vie. Peu après, j’ai été hospitalisée pour la première fois dans un établissement psychiatrique.

J’ai lutté pendant plus de 10 années dans le système, avec des admissions répétées, beaucoup de médications différentes, des effets secondaires, des plans de traitement, et recueillant de nouveaux diagnostics psychiatriques chaque fois que différents médecins me traitaient tout au long de ce cheminement. J’ai continué à essayer de trouver qui j’étais, j’ai suivi des cours à l’université, j’ai occupé quatre emplois à temps partiel lorsque je pouvais travailler, et je me suis enfermée chez moi lorsque je ne pouvais pas. J’ai vraiment cru que si je travaillais encore plus fort, je pourrais retrouver une vie normale. Pourtant, peu importe les efforts que j’y mettais, rien ne fonctionnait.

J’avais certes de plus longues périodes de stabilité, mais je n’arrivais jamais à me débarrasser de ce sentiment interminable de dévalorisation absolue. J’ai adopté des stratégies d’adaptation afin de pouvoir fonctionner quand même, et je gérais ensuite la douleur derrière les portes closes. Mon époux et moi (que j’ai commencé à fréquenter à l’âge de 17 ans) avons eu à nous adapter aux changements au cours de notre relation – parfois il était celui qui devait me « surveiller » pour me maintenir en vie, et d’autres fois, nous étions des partenaires égaux dans la vie.

Une longue période de stabilité nous a amenés à réfléchir et après de nombreuses discussions, nous avons décidé de nous marier et d’avoir des enfants après 10 ans de fréquentation. Après avoir suivi un traitement de fertilité, j’ai donné naissance à notre premier enfant et j’ai fait une légère dépression post-partum. J’ai collaboré très étroitement avec mon gestionnaire de cas pour faire tout ce que je pouvais pour développer un sentiment d’attachement; tout allait bien au travail lorsque j’ai découvert les services sociaux et j’ai bien aimé faire du bénévolat communautaire (j’avais un don particulier pour la constitution et les règlements – j’étais une bolé de nature!). Quelques années ont passé et nous avons décidé d’essayer d’avoir un autre enfant.

Je suis tombée enceinte avec notre première fille, mais la grossesse a été très difficile dès le début. Nous avons découvert au milieu de ma grossesse qu’elle avait la triploïdie (qui est, selon la communauté médicale « non compatible avec la vie »). Elle est mort-née le 18 avril 2007. Ce fut de loin l’épreuve la plus difficile pour mon époux et moi-même. J’ai croyais avoir fait mon deuil après avoir pleuré un peu après sa naissance; j’étais loin de me douter de la douleur profonde qui m’attendait.

Je suis encore tombée enceinte peu de temps après, j’ai fait une fausse couche et puis je suis tombée de nouveau enceinte avec notre deuxième fille. Elle est née le 10 avril 2008. Huit jours plus tard, nous avons marqué le premier anniversaire de notre fille mort-née. Six semaines plus tard, j’ai subi le pire épisode de dépression post-partum qui a mené à une psychose peu de temps après. J’ai trouvé tout ce qu’il me fallait pour m’enlever la vie, j’ai même trouvé le lieu où j’allais le faire, il me restait seulement à trouver un endroit pour que ma fille soit en sécurité. Elle avait des coliques et elle ne cessait pas de pleurer, alors je ne pouvais pas la laisser. J’ai conduit pendant ce qui m’a semblé être des heures pour essayer de la calmer, mais elle n’arrêtait toujours pas et le destin a fait que je me suis rendue chez mon gestionnaire de cas pour me retrouver aux soins d’urgence.

J’ai été hospitalisée pendant 10 mois au cours de cette première année. J’ai essayé une thérapie électroconvulsive, différents traitements; tout me semblait mener nulle part. Je me suis sentie profondément démolie – un deuil non résolu, combiné avec une maladie mentale préexistante, en plus des problèmes de dépression post-partum, tout s’est accumulé au point où je devenais parfois catatonique; j’écrivais des codes sur les murs de ma chambre d’hôpital, et je voyais un homme vêtu d’un manteau noir me suivre dans les couloirs de l’hôpital. J’aurais pu vous donner le taux respiratoire du patient se trouvant à deux portes plus loin tellement mes sens étaient aigus.

La psychologue locale a été consultée – je l’avais vue sur l’étage avec son chien (il suivait une thérapie pour chien) et étant donné mon amour des animaux, elle m’a intriguée dès le début. En prenant le temps de faire connaissance, nous avons développé une confiance mutuelle. Elle m’a interrogée à mon sujet et non seulement sur des symptômes. Comme l’évaluation prenait fin et que les recommandations prenaient de plus en plus d’importance, nous nous sommes rencontrées régulièrement pour entreprendre une thérapie. En raison du haut niveau de confiance que j’ai établi, j’ai pu aller jusqu’au « cœur » de ma douleur et, pour la première fois de ma vie, j’ai été capable de commencer à traiter le traumatisme que j’ai éprouvé lorsque j’ai été victime d’abus sexuel alors que j’étais encore une jeune enfant. La douleur était intolérable et je devais souvent avoir un panier à ordure tout près, car les nausées étaient incontrôlables. Je me suis fâchée contre elle, et je sentais que je ne pourrais jamais y retourner, puis j’ai réalisé que ma colère n’avait rien à voir avec elle, mais qu’elle était causée par la douleur de la situation. Je savais que j’avais touché le fond – j’avais le choix d’y retourner pour faire face à la douleur et figurer un moyen de m’en sortir, ou bien de mourir. C’était à la fois compliqué et très simple.

J’ai été capable de parler de mon sentiment de culpabilité pour avoir perdu ma fille, de ma culpabilité de me sentir un être humain sans valeur et de la honte que je ressentais du plus profond de mon être pour avoir besoin de soins palliatifs psychiatriques. Lentement, très tellement, j’ai commencé à reprendre espoir en la vie. Les membres du personnel sur cette unité ont été merveilleux tout au long de cette année avec leurs hauts niveaux de collaboration et leurs idées non conventionnelles (j’ai reçu des laissez-passer de jour pour suivre des cours à l’université au beau milieu de cet épisode, puisque c’était une planche de salut pour moi) et ils ont été là pour moi lorsque mon époux amenait nos enfants me visiter chaque jour afin que nous puissions travailler à tisser les liens qui étaient nécessaires. J’ai pu obtenir mon diplôme d’études supérieures en travail social en 2011 et j’ai continué à contribuer à ma collectivité en faisant du bénévolat chaque fois que je le pouvais.

Au cours du lancement de cette campagne, on m’a demandé si j’étais guérie. Loin de là… Je manifeste toujours les symptômes d’une maladie mentale – notamment la dissociation, la psychose et les changements d’humeur quand les facteurs de stress deviennent trop accablants. La différence maintenant est que j’ai une équipe (en particulier une psychologue) à qui je fais confiance à 1 0000 %, et que j’ai travaillé très fort pour identifier les symptômes à mesure qu’ils surviennent afin que nous puissions les gérer immédiatement. J’ai cru fermement pendant plusieurs années que, si seulement je pouvais comprendre mes symptômes, je pourrais les faire disparaître. Je sais maintenant que de comprendre n’est pas suffisant pour que les symptômes disparaissent, mais que d’en être consciente me permet d’avoir accès au soutien beaucoup plus rapidement pour que la maladie dure moins longtemps. J’accepte le fait que mon cerveau fonctionne différemment des autres personnes et je suis particulièrement consciente lorsque je sens que les choses changent dans ma façon de penser ou de percevoir les choses. Je réalise que je peux accumuler ces changements en créant de mauvaises habitudes de pensées négatives et que je peux sombrer plus profondément dans la maladie, mais que le changement initial peut être relié à un changement au niveau du stress, au sommeil ou simplement à l’ennui. C’est mon rôle au sein de l’équipe de leur laisser savoir lorsque le changement initial apparaît afin que le traitement puisse faire effet et que la situation ne s’aggravera pas de façon exponentielle.


Très récemment, j’ai donné naissance à notre troisième fille. Mon risque de dépression post‑partum était très élevé. Je l’ai ressenti, mais grâce à la préparation et à l’intervention de mon équipe, il n’y a eu qu’une légère alerte. Pour la première fois, j’ai pu éprouver le sentiment maternel à l’égard de mon nouveau-né, immédiatement après sa naissance. Je suis tellement reconnaissante; les heures qu’ils ont consacrées à me donner des soins n’ont pas été faciles, mais l’idée du recouvrement, tel que je l’ai envisagé est maintenant bien présente dans ma vie. Le rétablissement pour moi n’est pas l’absence de symptômes, mais c’est plutôt de vivre une vie bien remplie tout en sachant comment les contrôler. Pendant plusieurs années, j’étais une morte ambulante, et je portais un masque en tentant de répondre aux attentes de la société. En enlevant ce masque et en invitant les membres d’une équipe à m’aider, je travaille tous les jours pour comprendre mon cerveau qui fonctionne différemment des autres. Est-ce que je crois que je suis formidable? Non, loin de là – en vérité, je crois qu’une partie de mon cerveau ne fonctionne tout simplement pas. Est-ce que je lutte contre ce sentiment pour accomplir des choses malgré tout? Oui – et pour cette raison, je suis infiniment reconnaissante.

1 comment:

  1. Oufff ! Félicitation pour ton courage et celui de ton conjoint itou !
    Moi, j'ai eu mes 4 enfants avant d'être diagnostiquée comme bipolaire, obsessive compulsive (T.O.C.) et anxieuse généralisée (T.A.G.).
    Je croyais qu'il faillait arrêter la médication lorsque nous étions enceinte donc j'imagine que pour toi, cela n'a pas été le cas ?

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